Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La disparition de Josef Mengele

Olivier Guez

Prix Renaudot

Edition : Grasset

Prix : 18.50 euros

Où ? : Grasset

            Place des libraires

Emprunté à la bibliothèque

La disparition de Josef Mengele
La disparition de Josef Mengele

N'hésitez pas à vous inscrire à la newsletter... 

Ne rêve-t-on pas tous un jour de se venger de nos ennemis ? Ou du moins que justice soit faite ? Olivier Guez s'occupe de venger toutes celles et ceux, vivants ou morts, qui ont été victimes du médecin bourreau d'Auschwitz, j'ai nommé l'affreux, le vilain Josef Mengele. En choisissant d'écrire le récit d'une des traques les plus célèbre de l'histoire moderne, l'auteur choisi de se ranger du côté de l'horreur et de l'indicible en une plongée spectaculaire dans un esprit nébuleuxPrécision et rigueur rythment le roman d'Olivier Guez qui pratique le détachement et la froideur d'une personnalité ombrageuse autant que lâche. Rencontre avec un personnage qui ne fut, malheureusement pas, que fiction. 

Mengele est le prince des ténèbres européennes. Le médecin orgueilleux a disséqué, torturé, brûlé,des enfants. Le fils de bonne famille a envoyé quatre cent mille hommes à la chambre à gaz en sifflotant. Longtemps il a cru s'en sortir aisément, lui "l'avorton de boue et de feu" qui s'était pris pour un demi-dieu, lui qui avait foulé les lois et les commandements et infligé sans affect tant de souffrances et de tristesse aux hommes, ses frères.
L'Europe vallée des larmes.

Un homme traqué 

La Seconde Guerre Mondiale terminée, l'heure des comptes a sonné. Josef Mengele, médecin tortionnaire d'Auschwitz n'est qu'aux prémices de sa longue traversée du désert. Après s'être caché au nord de l'Allemagne puis obtenu un passeport italien, il opte pour le nouveau monde : l'Argentine. Fraîchement débarqué en 1949, il rêve d'une nouvelle vie à Buenos Aires auprès d'anciens camarades de guerre. Tout avait pourtant bien commencé : un pays avec à sa tête un couple sympathisant et admirateur d'Hitler et Mussolini, les Perón, des amis qui vous veulent du bien, un avenir professionnel... c'était sans compter sur la traque du Mossad comme de la justice allemande et internationale. Durant trente ans, de planque en planque, d'un pays à l'autre, le médecin vacille entre inquiétude et paranoïa. Du port de la moustache à celui des chapeaux, l'homme dont tout le monde veut la tête passera entre les mailles du filet, et ce, jusqu'au dénouement final.

 

L'Allemagne et l'Italie défaites, l'Argentine va prendre leur relève et Perón réussir là où Mussolini et Hitler ont échoué (...). Il fouille les poubelles d'Europe, entreprend une gigantesque opération de recyclage : il gouvernera l'Histoire, avec les détritus de l'Histoire. Perón ouvre les portes de son pays à des milliers et des milliers de nazis, de fascistes, des techniciens et des médecins; des criminels de guerre invités à doter l'Argentine de barrages, de missiles et de centrales nucléaires, à la transformer en superpuissance.

Portrait en trois temps

Récit très documenté ou biographie romancée, on peut affirmer la volonté de l'auteur de décrire un homme convainquant et convaincu d'une idéologie néfaste et mensongère en mettant sur pied les pires expérimentations connues. En se penchant sur sa propre perception de l'homme qu'il fut, le romancier interroge non seulement l'homme, mais aussi les actes. 

Dans un premier temps, on découvre un homme craintif de voir sa véritable identité dévoilée mais néanmoins heureux d'une liberté retrouvée, d'un métier a nouveau pratiqué et une vie sociale et confortable assouvie. Toutefois, une pointe de nostalgie, qui le poursuivra toute sa vie, l'empêche de jouir pleinement de sa nouvelle autorité. 

Sa femme Irene l'avait remis sur pied. Malgré l'ampleur de sa tâche, l'arrivée de quatre cent mille juifs hongrois, ils avaient connu une seconde lune de miel. Les chambres à gaz tournaient à plein régime ; Irene et Josef ramassaient des myrtilles dont elle faisait des confitures. Les flammes jaillissaient des crématoires ; Irene suçait Joseph et Josef prenait Irene. Plus de trois cent vingt mille juifs hongrois furent exterminés en moins de huit semaines.

En le présentant comme un homme en proie aux doutes, l'image de Mengele s'étiole. De plus en plus acculé, le criminel de guerre cède à la panique puis la paranoïa. Entouré de sa seconde femme, qui n'est autre que la veuve de son frère, d'amis fidèles et d'une famille protectrice, l'homme commence à sombrer. Colérique, froid et lâche, son entourage supporte de moins en moins cet homme fourbe et manipulateur

A l'aube de la fin, l'homme fort et autoritaire n'est plus que l'ombre de lui même. Bercé par ses gloires d'antan, il n'est plus qu'un homme dépassé par son temps et par une vie de fuite. La fuite rattrape l'homme et l'homme essaie tant bien que mal de rattraper le passé. Pitoyable, il regarde un monde qu'il ne comprend plus.

 

Des chapitres courts, parfois ardus, cadence le roman et mettent en lumière la rapidité des mouvements du personnage sur sa traque. A chaque nouvelle identité, chaque déménagement, j'ai cru en son arrestation imminente comme on croit au Père Noel. J'ai maudit ces réseaux tentaculaires, des administrations à l'Eglise, qui ont joué un rôle décisif à sa liberté. J'ai maudit ces hommes et ces femmes libres, jouissant d'une vie de pacha où l'argent coule à flots. Oui, c'est peut-être ça le plus pénible : l'insouciance, même le plus petit répit, de tous ces êtres dénués de cœur et de raison.

Olivier Guez a su confondre à ce personnage toute la bestialité et la froideur des sentiments qui le caractérise. A l'image du monstre se découpe l'image d'une nouvelle génération qui, elle, refuse toutes ambiguïtés et assimilations aux actes de leurs pères. 

Afin de palier à l'antipathie de cet affreux personnage, je vous conseille du sucre, du sucre et encore du sucre ! Une challah aux fruits secs (gâteaux polonais, et toc Mengele !) ainsi qu'un thé Honeybush d'English Tea Shop compléteront une rugueuse lecture.

Lectures conseillées : La part de l'autre, Eric-Emmanuel Schmitt

                                    Les bienveillantes, Jonathan Littell

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
Z
Il est sur ma table de chevet pour une prochaine lecture.
Répondre