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Idaho

Andria Williams

Traduction: Christel Paris

Edition: Kero (broché) / Le Livre de Poche

Prix: 20.90 euros (broché) / 8.60 euros (poche)

Où?:  Le Livre de Poche / Place des libraires

576 pages

Offert en tant que juré du Prix des lecteurs 2017

Idaho
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Premier roman d'Andria Williams, Idaho est étonnant tant par sa maîtrise, que sa documentation et l'émotion qu'il dégage. J'ai été surprise de tourner les pages avec une rapidité dévorante alors que le sujet principal, le nucléaire, ne m'attirait pas de prime abord. Mais la magie a opérée grâce à un suspens savamment orchestré, des personnages déroutants et une atmosphère de plus en plus anxiogène. Alors évidemment j'ai quelques petites remarques à faire mais l'ensemble du roman mérite qu'on s'y attarde, qu'on prenne le temps de le lire pour en sortir pensif.

En 1959, Paul et Nat Collier ainsi que leurs deux petites filles s'installent à Idaho Falls dans le nord de l'Utah. Militaire, Paul nouvel opérateur sur un petit réacteur nucléaire le CR-1 embarque donc sa petite famille pour une contrée lointaine où les hivers sont rudes, toute habituée à la chaleur de San Diego. Installée au milieu du désert à 80 kms de la base militaire, le couple va devoir se faire de nouveaux amis mais surtout surmonter bien des obstacles. Là où la vie d'apparence paisible, où les sourires sont de façades et les convenances de mises, ils vont vite éprouver leur vie de famille. La rencontre avec le sergent-chef Richards et sa femme vont conduire Paul et Nat à se jauger, repenser leurs comportements et surtout mettre leur confiance à l'épreuve. Car dans une petite ville comme Idaho Falls, il n'est pas bon de se faire des ennemis.

 

"Elle avait le luxe, épuisant, d'être femme au foyer et de pouvoir rester à la maison avec ses enfants car elle avait un époux qui subvenait à leurs besoins. Mais parfois, dans des moments de mélancolie et de solitude, elle se demandait si elle ne s'était pas mariée trop tôt."

 

En commençant son récit par l'événement majeur qui se produira à la fin de son roman, Andria Williams joue avec le lecteur et ses nerfs. On sais, quoi qu'il arrive, que le réacteur nucléaire va défaillir mais on ne sais pas encore pourquoi et quelle en sera l'ampleur. C'est pourquoi toute la narration se porte sur le tempérament et les émotions des personnages qui changent au grès des saisons pour mener la tension à son paroxysme. Le travail de Paul et de ses collègues est minutieusement décrit, j'ai plus d'une fois eu peur pour eux, vécu leur angoisse et partager leur frisson. Bien que le nucléaire occupe une place importante, un début d'indice sur les différents accidents à venir aux Etats-Unis, je pense qu'il est surtout un moyen de mettre en parallèle la lente dégradation de vie du couple Paul/Nat et Mitch/Jeannie. Comme un pressentiment, l'image du couple se dégrade au même titre que le réacteur. Les masques se fissures, les silences et les non dits nourrissent la lente perdition pour affirmer leur vraie nature.

 

"Il aurait aimé qu'elle soit pleinement satisfaite. Elle avait une maison, deux filles, une arrière-cour comme elle l'avait souhaité, de l'argent de poche prélevé sur sa paie pour acheter des vêtements, des ustensiles de cuisine, et ce dont elle avait envie; évidemment, sa paie n'était pas mirobolante, mais que pouvait-il faire de plus? (...) Pourquoi fallait-il qu'elle lui demande plus? "

 

En décrivant la vie de famille militaire en un petit monde fermé, l'auteure dénonce l'isolement de ces femmes qui restent à la maison auprès des enfants. La fin des années 50 est encore largement soumise au démonstration machiste, au conformisme et aux jugements. Nat en est largement victime lorsque son mari est soudainement muté au Groenland pour une mission de six mois (non, je ne vous dirais pas pourquoi!) et se retrouve en proie à la solitude. Le vague à l'âme, l'hiver interminable, la pousse à entamer une amitié platonique avec un jeune cow-boy du coin aussi serviable que généreux. Mais évidemment l'opinion publique est rude et les convenances dominantes. En accentuant la culpabilité de Nat pour cette amitié et la remise en cause de son couple qui bat de l'aile, la romancière réussi à capter les émotions et les écrire avec finesse et simplicité. Ce qui est risible c'est le jugement que portent toutes ses femmes, notamment la respectable Jeannie Richards alors qu'elle même ne supporte plus son mari et n'hésite pas à outrepasser les règles contrairement à Nat.

 

"Nat l'aimait; elle aimait leurs filles. Mais il savait - ce qui l'ulcérait - que Nat, parfois, ne faisait pas attention et qu'elle ne respectait pas toujours les règles auxquelles les autres se pliaient. Elle ne prêtait pas garde à sa réputation."

 

Un livre sur les apparences donc, les maris et leurs femmes mais aussi l'Amérique conquérante contre l'URSS, le poids des secrets et des petites et grands mensonges. Porté par une écriture fluide, simple, à la fois minutieuse par la documentation technique qu'émotionnel, ce roman se lit avec intensité. Le portait du couple est profond, juste, toutefois soumis à quelques clichés que l'on pardonne facilement. Parfois un peu long, j'aurais aimé que l'auteure aille plus rapidement à l'essentiel. Un beau roman qui, une fois refermé laisse songeur, un moment capturé hors du temps aux couleurs sépia. Un thé bleu, au goût prononcé et des woopies à l'orange et chocolat se prêteront à merveille à cette lecture mélancolique.

Lecture conseillée:   Le cœur battant de nos mères, Brit Bennett

                                   Femme au foyer, Jill Alexander Essbaum

Idaho
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