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Un été près du lac

Heather Young

Traduction: Carla Lavaste

Édition: Belfond (collection Le Cercle Belfond)

Prix: 21.50 euros

Place des libraires / Belfond

379 pages

Offert par les éditions Belfond

Un été près du lac
Un été près du lac
Un été près du lac

Avant tout j'aimerais remercier les éditions Belfond et plus particulièrement Carine Verschaeve et son équipe, pour l'envoi de ce roman et la confiance accordée pour la participation au book club cercle Belfond qui aura lieu le 22 octobre! Évidemment je me suis jetée à corps perdu dans ce roman qui m'a beaucoup étonné. D'abord déconcertée par un début un peu "déjà vu" porté par quelques stéréotypes et personnages flous, j'ai vite changé d'avis et pour cause. Heather Young utilise certes un filon déjà exploité, le secret familial, mais le fait avec tellement de finesse, de réalisme et de sensibilité que j'ai totalement adhéré et compris sa démarche. Avec une subtilité psychologique, elle évite l'emphase pour révéler les drames et leurs conséquences sur plusieurs générations. L'héritage familial, un poids inévitable? En abordant ce thème mais aussi la jalousie domestique, l'amour pervers et la condition féminine, l'auteure explore un large panel de sentiments pour expliquer couche par couche les femmes d'hier et d'aujourd'hui.

Justine accompagnée de ses deux jeunes enfants, Mélanie et Angela, prend la fuite. Au revoir San Diego, bonjour le Minnesota. Outre le changement de climat, elles découvrent leur nouveau lieu de vie, un chalet rustique en bord de lac et de forêt appartenu à Lucy, grande tante récemment décédée. Héritage fortuit, Justine sans le sou fuit une relation présumée toxique avec son nouveau compagnon. Mère célibataire, cette nouvelle vie promet un nouveau départ pour ses filles depuis l'abandon de leur père un an plus tôt. Mais derrière cette demeure austère se cache un secret vieux de plus de soixante dix ans désormais à prêt à être révélé: la disparition, en 1935, d'Emily sœur cadette de Lucy et Lilith...

J'avoue qu'au commencement je ne comprenais pas bien les motivations de Justine à quitter Patrick, son petit ami. Explications peu crédibles, bancales, paranoïa...j'étais convaincu des clichés qui illustreraient ce roman. Mais heureusement je me trompais et compris ainsi le tour de force de l'auteure. Car en doutant je doutais aussi de la parole de Justine et de toutes celles qui sont bafouées, harcelées et confrontées à la perversité et pression psychologique qu'il s'agisse d'hommes ou femmes. En déjouant les codes du mélodrame, la romancière prête sa voix à cette femme victime de manipulation et qui ose dire non. Loin de jeter la pierre aux hommes grâce à d'autres personnages bienveillants, elle met également en avant la complexité mères/filles.

En utilisant une narration à deux voix, celle de Justine pour décrire son quotidien et les révélations écrites par Lucy, l'auteure exploite une tension dramatique évidente et arrive à semer le doute. En distillant une ambiance à la fois envoûtante et asphyxiante, Heather Young possède un don pour raconter le drame sans fioritures, de façon simple et permet d'alléger faussement le récit. Car derrière cette tragédie se cache des secrets familiaux qui expliquent la condition féminine d'hier et d'aujourd'hui et le défi d'être une femme à travers les époques et les âges et ce porté par des personnages féminins forts, parfois faibles, mais qui fait toujours la part belle aux femmes. En abordant l'énigme et le silence familial elle s'attaque à leurs répercussions quelque soit l'époque. Finalement la parole libère ce secret pour empêcher qu'il ne se reproduise, comme un écho à l'actualité.

J'aimerais aussi parler brièvement de la religion présente et qui revêt son plus sale habit pour justifier les actes commis, excuser le péché. Mais n'est-ce toujours pas le cas aujourd'hui? Que ce soit pour les femmes ou les différences raciales, elle endosse malheureusement encore le rôle de paroles sacrées immuables dans le temps.

Jamais elle n'avait proférée la moindre opinion sur le destin ou, même indirectement, dur Dieu. Comment pouvait-elle ainsi contredire les leçons que Père nous dispensait et selon lesquelles les châtiments divins et les récompenses divines découlaient directement de os choix et de nos intentions? C'était bien ce qu'il avait répété à Lilith pas plus tard que la veille, et que Mère avait écouté en cachette. Puis j'ai repensé à Matthew et à sa famille et, pour la première fois, j'ai tenté d'appliquer les enseignements de Père à d'autres personnes que Lilith ou moi-même. Qu'avaient-ils bien pu faire pour attirer sur eux une telle tragédie? M. ou Mme Miller devaient avoir commis un crime très grave pour attirer ainsi une sentence de mort. Dieu pouvait-il châtier quelqu'un en privant un enfant innocent de sa mère?

D'une profondeur troublante, sous différentes couches, la romancière gratte le vernis d'un idéal familial comme la jalousie entre sœurs qui se heurte au moment charnière de l'adolescence. Bref vous l'aurez compris, derrière une apparente facilité se cache un récit sobre, intense et d'une intime violence. Un pari gagnant puisque qu'il a été sélectionné dans la catégorie "Meilleur premier roman du Edgar Award", prestigieux prix du polar américain. Je vous propose donc un thé noir "Karavan n°50" Kusmi tea, fort et délicat qui accompagnera à merveille une mousse au chocolat aérienne pour une lecture intelligente et perspicace.

Lectures conseillées:   Le voisin, Tatiana de Rosnay

                                    Sukkwan Island, David Vann

Un été près du lac
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