24 Novembre 2019
Editions : Gallimard Bande Dessinée
Prix : 19,50 euros
Où ? : Gallimard Bande Dessinée / lalibrairie.com
144 pages
Acheté à la librairie Autrement
Échapper aux diktats d'une société, imposer son corps et sa féminité ou encore revendiquer sa sexualité, voilà en quoi les femmes ont toujours été contraintes de se battre contre un système pensé par les hommes, pour les hommes. Avec ce livre, Pénélope Bagieu s'inscrit dans une mouvance féministe comme ces quinze personnalités, avec pour objectif une réappropriation de l'Histoire.
Des personnalités connues comme Clémentine Delait, femme à barbe, ou Joséphine Baker, l'artiste évoque également d'autres femmes de poigne moins célèbres en Europe comme les sœurs Mariposas, figure de contestation politique en République Dominicaine, mais aussi Nzinga, reine guerrière du Ndongo et du Matamba.
Loin d'être un plaidoyer contre la gent masculine, féminisme n'excluant pas les hommes de ce combat quotidien, n'est-ce pas mesdames...et messieurs, l'auteure suggère également l'appui de certains hommes vers l'émancipation de ces figures féminines, comme le frère de Lozen, guerrière et chamane Apache.
De ces portraits drôles, colorés et toujours surprenants, je vous propose d'en détailler deux. Deux destins singuliers, insufflant force et courage, comme modèle d'un déterminisme stupéfiant. Coup de cœur !
Quel destin pour trois de ces quatre sœurs issues d'une famille aisée de République Dominicaine ! Tout commence avec Minerva Mirabal lorsque cette dernière décide d'étudier le droit à l'université et y fait la rencontre de Pericles Franco, futur fondateur du Parti socialiste populaire. Le pays alors dirigé par le cruel Trujillo, souffre d'une dictature largement maîtrisée par une nauséabonde police secrète.
Mais c'est au cours d'un bal donné par celui qui s'est auto-proclamé "El Jefe" (le chef, ça ne s'invente pas...), que le destin de ses sœurs va littéralement changer. Organisé à des fins personnelle, afin de "choisir" ses futures prétendantes, le dictateur profite de ce bal pour jeter son dévolu sur Minerva qui le repousse sans ménagement. Jetée en prison à la suite de son père, la jeune-femme en sort plus forte et devient la première femme doctorante en droit. El Jefe lui promet alors personnellement de lui pourrir la vie.
A la même époque, ça sent le roussi pour les dictatures d'Amérique latine, en commençant par Cuba. Entrées dans le groupe de dissidents nommé Mouvement du 14 juin, les sœurs adoptent pour nom de code, Las Mariposas, comprenez "les papillons". Régulièrement arrêtées et torturées, elles deviennent alors le symbole de la révolution. Désormais figure populaire de la contestation, elles craignent un assassinat déguisé, méthode fréquemment utilisée. Malheureusement, le 25 novembre 1960, leur pire crainte est avérée puisqu'elles sont sauvagement assassinées.
Visages d'une révolution et d'un courage sans faille, non seulement la région natale des Mariposas a été rebaptisée "Hermanas Mirabal", mais la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes à lieu chaque année le 25 novembre. Donc aujourd'hui.
Née le 28 juin 1820 aux Pays-Bas, Josephina Van Aefferden est l'avant-dernière progéniture d'une famille aristocrate catholiques de dix enfants. Et ouais, la modération n'est pas encore en vogue à cette époque...
Éprise de liberté depuis sa tendre enfance, elle fait un jour la rencontre de Jacob Werner, un militaire de dix ans son aînée. Coup de foudre ! Malheureusement, sa famille ne l'entend pas de la même oreille. Comment une jeune-fille de bonne-famille pourrait-elle épouser un militaire plus âgé, mais surtout PROTESTANT ? En effet, la société hollandaise reposant sur la pilarisation, ségrégation choisie dans laquelle catholiques, protestants et juifs composent leur propre système et surtout se marient entre eux, comment composer entre deux religions ?
Qu'à cela ne tienne, très épris l'un de l'autre, Josephina et Jacob se marient en 1842 et auront trois enfants. Mais un dernier obstacle se dresse devant le couple à l'aube de la mort : deux religions, deux cimetières, donc deux tombes. Ras la culotte, Josephina décide de se jouer du destin et en 1888, soit huit ans après l'enterrement dans le cimetière protestant de son cher Jacob, celle-ci fait un drôle d'aménagement. Séparées par le mur du cimetière, les deux caveaux se faisant face, l'amoureuse aménage de part et d'autre deux mains de pierre réunies par une poigne, image d'un amour éternel. L'amour au-delà des religions.
Récompensée en juillet dernier par le prestigieux prix Eisner au Comic Con de San Diego, Pénélope Bagieu ne fait pas que réhabiliter l'Histoire féminine, mais la créée. Bravo !
Avec autant de personnalités hautes en couleur, il me faut un goûter digne de ce nom ! Entre guerrière, femme sirène ou exploratrice, ce roman graphique se picore au grès de ses héroïnes d'ombre et de lumière. Alors que choisir ? Des chouquettes !!!! Légères, sucrées et savoureuses, ces petites friandises s'adaptent parfaitement à l'image de ces portraits. Et si on complétait le goûter avec un thé aux fruits du Népal Palais des thés ?