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Anna

Niccolo Ammaniti

Traduction: Myriem Bouzaher

Edition: Grasset (broché)

Prix: 20 euros

Place des libraires

320 pages

Acheté sur Le Bon Coin

Anna
Anna

"Anna" autre roman d'anticipation? Oui. Mais cette fois-ci il ne s'agit pas d'un récit bourré d'action peuplé d'une pléiade de personnages dans une Amérique torturée. Non, en plaçant l'action en Sicile et en utilisant des enfants comme sujet principal, Niccolo Ammaniti change la donne, innove tout en reprenant les codes de la dystopie. Comme un petit goût de "La route" de McCarthy, il met en avant non pas la folie humaine mais la perte de l'innocence, l'oubli de la civilisation. Toutefois l'espoir est bien présent, moteur indispensable de toute forme de vie humaine. Mais que reste-t-il de cette notion lorsqu'on ne connaît que le pire? 

En 2020, alors que le monde a été décimé par un virus mortel "La Rouge", seuls les enfants ont survécu à la pandémie. Mais jusqu'à quand? En ne touchant que les adultes, les plus jeunes ne sont pas pour autant tirés d'affaire car une fois la puberté entamée commence à apparaître les plaques rouges de la maladie sur leur corps... Heureusement Anna, 13 ans et son frère Astor, 7 ans sont encore épargnés. A Castellamare dans la maison familiale ils goûtent à une vie de débrouillardise mais jouissent d'une liberté imposée. Confrontés à la famine, Anna part régulièrement en expédition jusqu'au jour où de retour d'une de ces dangereuses virées, son frère a disparu. Sur les traces de son cadet, elle va se confronter à de nouveaux dangers, faire des rencontres inattendus et ce toujours sur une terre désolée où la nature reprend ses droits.

 

Anna Salemi décida de partir à la recherche des enfants bleus. Si elle les trouvait, elle trouverait aussi son frère. L'idée qu'il était mort ne l'effleura même pas.
Elle quitta le Domaine du Mûrier le 30 octobre 2020 pour ne plus y revenir. Dan son sac à dos, elle avait une torche électrique, un briquet, le cahier des Choses Importantes enveloppé dans une polaire verte, un couteau de cuisine et le fémur droit de sa mère.

A travers cette aventure, l'auteure développe beaucoup de thèmes. Tout d'abord le passage de l'enfance à l'adolescence avec tous les bouleversements qu'on connaît. Responsable de la vie de son petit frère, Anna a grandi vite, trop vite. En vivant le cataclysme de la pandémie et ses conséquences, elle est très tôt confrontée à une vie de survie. Comme un roman d'apprentissage express à travers le deuil, la perte, l'amitié, l'amour, la drogue et l'alcool, l'inimitié...elle puise toutes ses connaissances et cherche toutes les solutions dans le cahier des Choses Importantes. Ecrit par sa mère et bien le plus important, il n'est que la relique d'une civilisation en perdition, un repère à consulter, le geste rassurant et désespéré d'une mère mourante.

Justement, ce retour forcé à l'état sauvage, primitif n'est-il pas le marqueur de la fin de la civilisation? Car si Anna sait lire, ce n'est pas le cas d'Astor. Sur conseil et demande de leur mère dans le cahier, Anna essaie d'enseigner à son frère le minimum d'instruction mais aussi un bon sens qui nous paraît, aujourd'hui, normal. Mais qu'en est-il lorsqu'on ne se souvient plus d'"avant"? Ces enfants redécouvrent la vie simple tout en prenant conscience des dangers.  Car des dangers il en existe mille et un mais le plus menaçant n'est-il pas l'espoir?

En alternant entre dureté d'adaptation et tendresse humaine, l'auteur ne dresse pas seulement le portrait d'une fin du monde mais aussi la fin d'une certaine naïveté. Dans une ambiance de poussière et de fébrilité j'ai tremblé pour ce duo devenant rapidement trio, assisté à des scènes pleines de tendresses et de bienveillances mais aussi à des passages très durs, ramenant à la violence de la situation. Cette revanche de la nature n'est-elle pas, en fait, une purification de l'espèce? 

 

Anna n'éprouvait ni peur ni dégoût. Cette chose là, ça n'était pas sa mère. Devant ces restes, la petite fille pressentit que la vie est un ensemble d'attentes. Parfois si brèves qu'on n'a pas le temps de s'en rendre compte, parfois si longues qu'elles semblent infinies, mais avec ou sans patience, elles ont toutes une fin.

Je n'ai pas trouvé ici une action permanente et crue mais un roman bouleversant de réalisme et de cruauté. Si parfois il est un peu long et lent je ne lui retire pas cette subtilité particulière qui m'a embarqué, porté par une plume plutôt sèche allant droit au but. D'ailleurs, les silences, les moments de contemplations et d'observations sont autant d'actions pour donner un aspect cinématographique intéressant. Enfin, Niccolo Ammaniti propose une fin ouverte, qui pour ma part m'a beaucoup plu, laissant mon imagination prendre le relais. Finalement le roman n'est qu'une parenthèse dans la vie de ces enfants, l'avenir leur appartient peut-être... Si je vous ai convaincu laissez-moi vous conseiller un thé vert à la rose Kusmi tea et des scones aux canneberges afin de passer une agréable lecture sous le ténébreux soleil de Sicile.

Lectures conseillées:  Yesterday's goneSean Platt & David Wright

                                      Autre-Monde, Maxime Chattam

                                     La route, Cormac McCarthy

Anna ne parlait pas, un poids oppressait sa poitrine. Durant le voyage, jour après jour, elle avait attrapé la maladie de l'espoir et s'était mise en silence, à croire que la Calabre serait différente.

Anna
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